mardi 13 novembre 2012

La physique théorique (des particules) est en crise ? Sauvons-la par plus d'audace !

Crise = > danger 
Le physicien américain d'origine lettone Mikhail Shifman a récemment écrit un texte dans lequel il commente les résultats d'une grande conférence de physique des particules, la 3ème manifestation de Frontières au delà du Modèle Standard qui s'est tenue au FTPI en octobre 2012. Il y brosse une intéressante perspective historique de la situation de la physique théorique des hautes énergies sur les quarante dernières années (pour un petit rappel succinct de la situation expérimentale sur les cent dernières années voir par exemple ici). Il affirme en particulier : 
Experimental guidance started fading away after the November revolution of 1974 – the discovery of heavy charmonium. The role played by experiment continued to decrease steadily for quite some time, until it became almost invisible. In High Energy Physics theory this effect coincided with a transition ... into a different mode of operation ... each novel idea, once it appears, spreads in an explosive manner in the theoretical community, sucking into itself a majority of active theorists, especially young theorists. Naturally, alternative lines of thought by and large dry out. 
L'expérience comme boussole [pour s'orienter dans l'investigation théorique] a commencé à cessé de fonctionner après la révolution de Novembre 1974 - la découverte du charmonium lourd. Le rôle joué par l'expérience a continué à baisser progressivement pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il devienne presque invisible. En physique théorique des hautes énergies cet effet a coïncidé avec une transition ... vers un mode de fonctionnement différent ... chaque nouvelle idée, dès son apparition, se propage de manière explosive dans la communauté théorique, aspire littéralement vers elle la majorité des théoriciens actifs, en particulier les théoriciens jeunes. Naturellement les écoles de pensée alternatives se retrouvent dans l'ensemble exsangues. (traduction libre).
Il n'est pas besoin d'être un expert dans ce domaine pour voir dans cet état de fait un danger pour le bon fonctionnement de cette branche de la physique. Il poursuit plus loin :
... by mid-1980 [string theory] raised expectations for the advent of “the theory of everything” to Olympic heights. I think, by now, the “theory-of-everything-doers” are in disarray, and a less formal branch of string theory is in crisis [footnote : a more formal branch evolved to become a part of mathematics or (in certain occasions) mathematical physics].

... à partir du milieu des années 80, [la théorie des cordes] a placé la barre des attentes pour l'avènement de "la théorie du tout"à un niveau olympique. Je pense que maintenant les "faiseurs de théorie du tout" sont en plein désarroi, et la branche la moins formelle de la théorie des cordes est en crise [note de bas de page : la branche plus formelle a évolué pour devenir une partie des mathématiques ou (à certaines occasions) de la physique ma-thématique].
Le mot crise est lâché  ...

Crise - danger = opportunité de changement 
Shifman termine son portrait sur cette question :

During their careers many of them never worked on any issues beyond supersymmetry-based phenomenology or string theory. Given the crises (or, at least, huge question marks) in these two areas we currently face, there seems to be a serious problem in the community. Usually such times of uncertainty as to the direction of future research offer wide opportunities to young people, in the prime of their careers. To grab these opportunities a certain reorientation and reeducation are apparently needed. Will this happen?
Au cours de leur carrière de nombreux théoriciens n'ont jamais travaillé sur des questions qui vont au delà d'une phénoménologie basée sur la supersymétrie ou au delà de la théorie des cordes. Compte tenu des crises (ou, au moins, des énormes points d'interrogation) auxquelles nous sommes actuellement confrontés dans ces deux domaines, il semble y avoir un problème grave dans la communauté. Habituellement de tels moments d'incertitude quant-à l'orientation future de la recherche offrent de vastes possibilités pour les jeunes théoriciens dans la fleur de leur carrière. Pour saisir ces opportunités une certaine dose de réorientation et de rééducation seront apparemment nécessaires. Est-ce que cela se produira ?
Peut-être, du moins si on tire les conclusions (forcément provisoires) qui s'imposent des résultats expérimentaux récents du LHC, par exemple ici et , et à condition que l'on élargisse le spectre des horizons théoriques en se penchant à nouveau courageusement sur les développements les plus récents des théories alternatives ...

(Pour surmonter la crise) il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la ... Physique (la supersymétrie aussi) est (peut-être) sauvée !
Et s'il existait un autre modèle théorique, largement indépendant de l'hypothèse supersymétrique chère à la théorie des cordes, un modèle qui aille au delà du modèle standard mais qui soit capable de reproduire les prédictions de ce dernier avec une bonne précision, d'en expliquer conceptuellement plusieurs aspects importants, un modèle qui ne prédirait qu'un seul boson de Higgs cohérent avec les résultats obtenus jusqu'à présent sur la particule récemment découverte au LHC (en particulier sa masse), un modèle en accord aussi avec les résultats de la physique des astroparticules, prédisant l'existence d'un neutrino droit de Majorana et d'un mécanisme de bascule associé pour expliquer la petitesse de la masse des neutrinos gauches et leurs oscillations de saveurs ?
Et si contrairement à ce qu'on lisait encore souvent il y a dix ans :
les théories de cordes effectives [n'étaient pas], les seules théories offrant l'espoir d'une description unifiée des interactions gravitationnelles avec les autres forces fondamentales [?]
(\\ c'est moi qui ajoute le texte entre [...])
Il existe en effet un autre modèle qui, par son point de vue spectral et non-commutatif, s'efforce depuis plus de vingt ans de réaliser pas à pas l'unification effective de la mécanique quantique qui gouverne le monde microscopique avec la relativité générale qui domine le macroscosme, un modèle dont les bases mathématiques sont suffisamment solides pour relever et réussir le paris fou (ou simplement audacieux) de construire une échelle de Jacob s'étendant sur environ seize ordres de grandeurs : du domaine d'énergie associé à la brisure de la symétrie électrofaible jusqu'au domaine de l'énergie de Planck (où le concept même de symétrie ou au moins d'espace-temps semble se dissoudre dans l'inconnu) ...  un modèle enfin qui, à travers la dynamique désormais combinée de deux champs scalaires fondamentaux appelés Higgs et sigma, pourrait peut-être expliquer l'hypothétique phase inflationnaire du modèle standard de la cosmologie, voire une partie de la possible masse manquante? 
Reste à étudier, à essayer de comprendre, à s'inspirer, à enrichir, à approfondir et à donner plus de chair à ce modèle spectral de la physique ! Il y a bon espoir qu'il prenne désormais vie à part entière dans le champ de la physique phénoménologique (et pas seulement mathématique) des particules, Walter D. van Suijlekom et ses collaborateurs par exemple y travaillent dur, en particulier dans ce tout nouvel article où il est aussi  question ... de supersymétrie!






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